VISION : donner à voir

Projet socioculturel des 2nde professionnelle AE & CEC du lycée agricole La Germinière (72)

Ce que nous voulons donner à voir

Avoir et donner à voir une vision du monde, c’est au préalable nous mettre à distance de notre rapport au monde en vue de le conscientiser et de le questionner. Ce monde nous parle à la fois de notre place dans un environnement à échelles multiples, à l’espace et au temps, de notre relation aux autres mais aussi à soi, comme autant de facettes qui façonnent la vie.

Ce rapport au monde nous l’exprimons sans nous en rendre compte à chaque instant de nos vies que ce soit au quotidien (habitudes, mode de vie) comme dans les moments forts de notre existence, lorsque nous devons faire des choix importants par exemple. Ce qui nous lie au monde est toujours empreint d’une dimension sensible (affects/expression de soi) et/ou d’une dimension politique (critiquer/dénoncer).

L’ art est une sublimation et une revendication de cette expression de ce rapport au monde. C’est donc un outil idéal pour s’ouvrir et pourquoi pas tenter de comprendre ce que nous sommes et ce qui nous entoure. La démarche artistique n’est en somme qu’un condensé de vie fait d’un mélange de hasard (laisser libre cours à son imagination) et de choix.

En photographie justement, cette question de choix est primordiale et présente à chaque moment du processus de création. On choisit tout d’abord en cadrant une portion de la réalité. En cela, la photographie permet de questionner le réel et d’aborder la question de la subjectivité de toute image/vision qui n’est qu’une représentation du monde ne pouvant prendre en charge tous les aspects du réel. Mais, cette question du choix ne s’applique pas seulement lors de la prise de vue. Tout le processus photographique est empreint de cet acte : on choisit des tirages parmi des séries de photos, on choisit ensuite un espace pour donner à voir notre vision, dans cet espace on décide d’un dispositif, d’une installation, spécifiques.

La photographie devient alors emblématique de l’appropriation d’un langage particulier facilement abordable pour des jeunes dont l’usage et la fréquentation de ce média sont usuels voire banals.

Objectifs dans le viseur

L’objectif général du projet a consisté dans la réalisation d’une série de portraits inscrits dans un paysage au lycée mais aussi dans différents lieux sur la commune de Rouillon. Pour ce faire, ils travailleront sous la houlette de Pascal Drouard, artiste photographe professionnel. Cette ligne directrice du projet a permis d’aborder deux genres majeurs de la photographie artistique que sont le portrait (portrait, auto-portrait, autofiction) et le paysage. Ce projet s’inscrit dans le cadre plus large d’un parcours culturel permettant de découvrir la photographie contemporaine ainsi que les arts en général, cela à travers les propositions d’exposition des lieux culturels du territoire local.

Le projet s’est enclenché par l’immersion dans une exposition à l’Abbaye de l’Epau, présentant des œuvres artistiques majeures ou émergentes, autour du thème de la place de l’homme dans l’environnement. Les élèves ont pu découvrir différents artistes et différentes installations d’exposition à travers un parcours commenté par les médiatrices culturelles du lieu. La visite s’est terminée par un atelier de création photographique avec les élèves.

Cette première approche immersive a permis ensuite d’aborder en classe les différents critères permettant de définir les enjeux et les objectifs de la photographie en général et de la photographie d’art en particulier. Il a aussi été question de repérer et d’expliciter les différentes notions ayant trait à ce médium artistique et à celui de l’exposition.

La deuxième période du projet a été consacrée à l’acquisition de notions techniques et pratiques autour de la lecture et de l’analyse d’images photographiques. En outre, cette période a permis de poursuivre l’acquisition d’une culture photographique en travaillant sur des photos illustres de l’art contemporain.

A partir de Janvier a commencé la mise en place du projet et son écriture. Les élèves seront amenés à se mettre en scène (portrait) dans des lieux choisis pour leur force évocatrice en lien avec un sentiment.

La première étape est de choisir individuellement un lieu pour lequel on éprouve une sensation, un sentiment, fort (affect/sensible) : lieu aimé, lieu intriguant, etc …Mettre en lien un lieu/paysage et un sentiment est le fil conducteur du projet. Ensuite, par petits groupes constitués en fonction des lieux et des sentiments, les élèves imaginent des idées de mises en scène et réalisent une répartition des rôles. Comment va-t’on montrer/représenter/transmettre ce sentiment à travers l’image (choix visuels tels que cadrage, éclairage, etc …) ? Comment va-t’on se mettre en scène dans ce lieu pour parler de ce qu’il nous évoque ?

Cette étape de travail préparatoire a permis d’amorcer les séances de prises de vue in situ avec le photographe. Il faut alors adapter ses idées avec la réalité du terrain et la contrainte du temps imparti, faire appel à son sens de l’initiative, à la communication efficace en groupe, etc…

Ensuite a lieu le temps du visionnage des séries réalisées et le choix du tirage qui sera exposé. Choix qui se doit d’être éclairé, argumenté et cohérent avec ce que l’on souhaite transmettre. Un temps d’écriture poétique/fictive/informative est proposé aux élèves afin de joindre une matière textuelle en vue de l’élaboration des cartels qui figureront dans le dispositif d’exposition.

La suite du projet n’a pu avoir lieu en raison du COVID. Toutefois, les élèves ont continué à travailler autour de la communication et de l’exposition en vue de son report.

Perspectives

Les élèves se sont tous très investis dans ce projet. Cela a permis de développer une cohésion entre les élèves de chaque classe. Les élèves ont pu se découvrir eux-mêmes et entre eux grâce au travail de groupe et au partage de temps extraordinaires. Ils ont fait preuve de beaucoup d’enthousiasme et de motivation, signe d’une bonne disposition à l’ouverture culturelle. Les échanges avec l’intervenant, très habitué au public scolaire, ont été très constructifs, les élèves s’étant montré curieux et inventifs. La qualité des productions réalisées dépassent largement les attentes initiales du projet.

De plus, encore une fois à travers ce projet, force est de constater que le passage par la pratique a permis aux élèves une appropriation des apprentissages effective. Les difficultés rencontrées par certains dans le cadre des tâches scolaires effectuées durant les séances en face-à-face ont pu être diminuées voire dépassées grâce à la mise en pratique et au dispositif d’un travail en atelier.

En regard de l’investissement et de la qualité des productions des élèves, il est question de finaliser et de valoriser ce projet notamment par l’organisation de l’exposition au lycée dès la rentrée prochaine. Cette partie du projet sera le support des objectifs liés à la communication dans le cadre du module MG1.

Par ailleurs, la proposition de partenariat avec la Mairie de Rouillon sera reconduite avec l’idée de pouvoir exposer sur un lieu de la commune. Ce partenariat vise par ailleurs à tisser une collaboration durable afin de pouvoir bénéficier d’une visibilité hors-les-murs et faire rayonner les projets socioculturels créés avec les classes du lycée vers un plus large public. L’idée de réaliser une exposition itinérante serait aussi l’occasion d’une participation au Festival Les Photographiques au Mans. D’autres lieux d’expositions sont en cours de recherche avec par exemple aussi la possibilité d’exposer dans d’autres établissements ou plus ponctuellement dans le cadre d’événements.

Ce projet a été mené en lien avec le réseau art’ur

+ infos:

aurélie.le-heude@educagri.fr

enseignante-animatrice ESC

LEGTA LE MANS

https://epau.sarthe.fr/

http://pascaldrouard.com/fr/accueil.html

SLAMER : DE LA CLASSE A LA SCENE

Résidence & projet artistique des classes de terminales professionnelles Conduite et Gestion des Entreprises Agricole et Agro-Equipement au Lycée agricole La Germinière à Rouillon (72)

Tout commence en 2019 lors d’un concert d’HDW, formation musicale orchestrée par Alexandre Sepré, jeune slameur de la scène locale. Nous le découvrons dans le cadre du Festival En Jeu organisé par la scène nationale du Mans auquel nous participons pour la 1ère fois. Cette année-là, ce sont les classes de 2nde professionnelle du lycée qui sont amenées à découvrir l’univers protéiforme des art vivants. Le concert d’HDW est un coup de cœur total : les élèves comme les enseignantes sont conquis et émus. Pour beaucoup, le concert est une première expérience. Et c’est une très belle première fois qu’il leur est offert de vivre !

Forts de l’engouement suscité, il est apparu comme évident de monter un projet à l’échelle de l’établissement autour du slam et en particulier avec Alexandre Sepré. L’idée s’impose d’elle-même et enthousiasme l’artiste d’emblée. Il sera en résidence au lycée. Au programme : organisation d’un masterclass et d’un concert avec le Club Musique de l’ALESA et réalisation du projet artistique avec les classes de terminale professionnelle, qui sera le pivot de cette mise en œuvre avec à la clé deux représentations, dont l’une dans le cadre du Festival En Jeu.

L’écriture : un passage à travers soi pour mieux aller vers les autres

L’écriture est un exercice inhabituel pour les jeunes des filières concernées. Au départ, le projet ne suscite pas d’intérêt, voire fait pousser des grands « oh » de mécontentement et des petits hauts-le-coeur de dégoût. Slam, kezako ? Petit mot rigolo qui claque dans la bouche comme une bulle de chewing gum mais qui reste très flou. « Ah ! C’est comme Grand Corps Malade ! ». Oui ! Mais enfin, force est de constater que peu connaissent GCM… Les élèves découvrent en classe une discipline mutante aux confins de nombreux genres, qui se réinvente sans cesse et qui ne se laisse pas facilement enfermer dans le carcan d’une définition. Tout à la fois spectacle, théâtre, poésie, musique, le slam porte des valeurs riches d’enseignement pour la jeunesse. Mais le slam, c’est aussi un cousin du rap. Les élèves prennent cette entrée en matière comme une liane sûre à laquelle se raccrocher.

En Novembre a lieu la 1ère rencontre avec Alexandre, qui dispense plusieurs heures d’atelier d’écriture. Les élèves sont curieux et intéressés, honorés de cette rencontre avec un artiste professionnel, mais restent intimidés face à l’écriture. L’ approche ludique proposée permet de dépasser la difficulté qui consiste à coucher sur le papier une intériorité qui n’est censée ne concerner que soi-même. Et puis, arrive la prise de conscience qu’il leur est offert un espace de liberté à saisir où ils peuvent dire tout ce qui leur passe par la tête et leur tient à cœur sans limites (ou presque).

Puis, en classe, à partir d’un exercice de coopération suivi d’un temps de débat, sont dégagés les thèmes qui seront les fils conducteurs pour chaque classe. Ces thèmes sont issus de ce qui questionne et affecte les élèves. NATURE et AVENIR seront les maîtres mots des créations collectives. Les élèves continueront à s’exercer et à améliorer leurs textes au fur et à mesure avec leurs enseignantes de français et d’ESC, produisant ainsi la matière première pour modeler des mises en scènes collectives.

Découvrir le monde… du spectacle

Durant cette période, c’est aussi l’occasion de se familiariser avec l’univers des arts vivants et de se préparer au Festival En Jeu!. Cet événement est organisé par le théâtre L’Espal / Les Quinconces du Mans en direction des 16-25 ans. Il se présente comme une sorte de “classe verte du spectacle vivant” car il permet une immersion complète dans cet univers pendant 3 jours. Cette année, nous avons participé au festival du mercredi 5 au vendredi 6 Février. Les élèves ont pu assister à 5 spectacles de danse, théâtre, cirque, marionnettes et à 1 concert participatif de slam. Chaque spectacle était suivi d’un “bord de scène”, c’est-à-dire d’un échange avec les comédiens. Les élèves ont également participé à un atelier de pratique théâtrale mené par un professionnel et a une interview dans le cadre d’un direct sur Radio Alpa. Le midi, des scènes ouvertes étaient organisées afin que les élèves participants puissent s’exprimer. Nos élèves ont ainsi pu s’y produire. A noter que les élèves sont préparés grâce à une visite complète d’un théâtre au mois de novembre. Les enseignants bénéficient également d’une journée complète de formation en amont du festival.

L’oralité : donner de la voix pour être présent au monde

Les deux créations sont mises en scène sur des temps très concentrés impliquant une intensité de travail importante et requérant de la part des élèves beaucoup d’investissement. Cette contrainte nécessite une bonne réactivité de la part du groupe : améliorer sa technique vocale, son jeu d’acteur, trouver des solutions et faire des propositions quand le texte ou la mise en scène ne fonctionnent pas. Ils jouent le jeu avec sérieux et enthousiasme, conscients de l’enjeu des représentations à venir.

De cette expérience, ils retirent de nombreux bénéfices. A l’instar de Rémy qui nous explique que « c’est vraiment bien pour la confiance en soi ». Noémie ajoute : « Je sors de cette expérience plus grande dans le sens où le regard des autres ne me fait plus peur. Cela m’a permis de savoir parler et être présente au sein d’un groupe ». Développer son imagination, gagner en confiance en soi et en cohésion de groupe, s’ouvrir aux autres, apprendre à communiquer en public mais aussi se confronter au travail d’artiste-interprète comme Jérémy qui constate que « c’est très physique de rester debout, de répéter avec un bon placement de voix ».

Se représenter : donner le meilleur de soi-même pour réussir ensemble

Le 4 Février, les deux classes font une standing ovation en première partie d’HDW en concert au lycée. La fierté et l’émotion sont perceptibles. « Le passage sur scène s’est très bien passé. Personnellement, j’ai trouvé ça agréable » (Clément). Ce succès les met en confiance pour l’étape suivante : aller jouer sur la scène ouverte du Festival En Jeu. Au sortir de cette seconde représentation, tous sont enchantés. Ils ont pu se dépasser, apprendre tout en éprouvant du plaisir, se surprendre. Comme l’explique Lorenzo : « Avoir un but commun et de la détermination nous ont permis d’atteindre les objectifs fixés, de surpasser les problèmes et nous avons réussi à prendre les décisions ensemble. Ce qui était vraiment agréable, c’était le fait de progresser ensemble vers un but commun.». Ou encore Benjamin : « Plus on avance dans le projet, plus on se prend au jeu. On a vraiment envie que ce soit parfait et pour cela on s’implique au maximum. Le projet n’a rien à voir avec nos études mais permet de développer d’autres capacités sans forcément s’en rendre compte. Personnellement, j’ai appris sur le fait d’élever la voix, sur le fait d’être à l’aise à l’oral face à un public.». Sur le chemin du retour au lycée, toute l’assemblée entonne un des « morceaux » de slam d’HDW.

Projet mené avec le réseau art’ur et en lien avec les partenaires suivants :

Alexandre Sepré / HDW

Les Quinconces/L’Espal scène nationale du Mans

ALESA du Lycée la Germinière

+ d’infos :

Aurélie LE HEUDE

enseignante-animatrice d’éducation socioculturelle

LEGTA La Germinière – Rouillon (72)

aurelie.le-heude@educagri.fr

En savoir +

https://alexandresepre.com/

Pour ré-écouter les élèves lors de l’interview de Radio Alpa 107.3 Le Mans en podcast :
https://www.quinconces-espal.com/…/radioalpa-au-festival-en…

https://www.quinconces-espal.com/lagenda/festivals/festival-en-jeu